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                                PERINATALITE

Périnatalité & Sociologie 1 : l’infanticide et la mortalité infantile
                                         les abandons d'enfants
et l'hôpital des Enfants-Trouvés
                                         les enfants abandonnés au 18ème et 19ème siècles en Europe
                                        
la recherches des parents d'un enfant trouvé 
Périnatalité & Sociologie 2 : l'allaitement maternel, croyances et idées
                                         le métier de nourrice et l’industrie nourricière, en France
                                         le tétaïre : un métier ahurissant
                                         le meneur
Périnatalité & Démographie : la naissance et son rituel dans la société d’Ancien Régime
Périnatalité & Histoire : les naissances : les matrones et les sage-femmes 
                                                PERINATALITE ET SOCIOLOGIE I

"L’infanticide et la mortalité infantile"  par Thierry Sabot

 
Les cas d’avortements, le grand nombre de décès d’enfants mort-nés ou en bas âge et les fréquents abandons de bébés attestent de la fragilité des nouveau-nés et des difficultés d’existence de nos aïeux.
Parce que les grossesses non désirées et la mortalité des jeunes enfants sont importantes, l’Église, les médecins et les autorités n’ont de cesse de réagir contre tout ce qui pourrait être un obstacle à la naissance et à l’existence d’un nouveau-né. Ainsi, un édit de 1556 contre « le recelé de grossesses et d’accouchements », un autre de 1585 et une déclaration de 1708, obligent les filles non mariées et les veuves qui attendent un enfant à venir déclarer leur grossesse devant les autorités civiles ou ecclési- astiques (cf les déclarations de grossesses que l’on trouve parfois au hasard des registres paroissiaux ou dans la série B des Archives départementales). Dans le même temps, les jeunes filles et les femmes qui ont eu recours à une interruption volontaire de grossesse sont passibles de la peine de mort. Mais cette sanction n’a pas toujours été appliquée ; ainsi Gildas Bernard, dans son Guide des recherches sur l’histoire des familles, cite un arrêt du 12 février 1731 qui condamne « une certaine Anne Landouze, fille de laboureur et servante domestique, atteinte et convaincue d’avoir celé sa grossesse et son accouchement à être battue et fustigée nue de verges, marquée de deux fleurs de lys sur les épaules et bannie à perpétuité. Le jugement en première instance l’avait condamné à être pendue ». On le voit, l’Église et la société, notamment la communauté des femmes, surveillent et dénoncent les filles suspectées d’infanticide volontaire ou involontaire : selon Goubert, « les missionnaires de Bretagne, en pays Léonard, accusent les époux de piétiner le corps des futures mères pour interrompre la grossesse ». A travers les mesures radicales des autorités, il s’agit également d’endiguer le problème de l’abandon des enfants illégitimes. Malgré un usage plus fréquent des moyens contraceptifs (vieilles drogues, préservatifs évoqués par Casanova, l’étreinte réservée et le coït interrompu), les grossesses non désirées, « nés de l’insouciance ou de la violence », sont alors courantes. Dès lors, « l’abandon d’enfant, fait d’exception et de crise, devient habitude de tous, il n’est pas réservé aux couches populaires, on le voit bien à Paris. C’est un indicateur du désarroi et un témoignage de l’évolution des moeurs ; la baisse du nombre d’avortements réussis proclame, peut-être, le succès de la lutte pour sacraliser l’enfance ; mais la multiplication des abandons indique que la relation à l’enfant est encore fragile » (cf Pierre Goubert).
Tout comme est fragile la vie d’un nouveau-né, et les enfants mort-nés ou morts prématurément sont alors nombreux : un sur quatre meurt dans les heures, les jours ou les semaines qui suivent sa naissance. Vingt à quarante pour cent n’atteignent pas l’âge d’un an ! Cela explique peut-être le développement du culte marial et la multiplication des sanctuaires à répit, dédiés à Notre-Dame, où les parents portent les enfants mort-nés pour les baptiser : « Ils sont censés revivre pour recevoir le sacrement qui leur évite d’errer dans les limbes et assure le salut, avant de retomber dans un dernier sommeil » (Muchembled). Les raisons de ces décès sont nombreuses et variées : les malformations congénitales, les conséquences d’un accouchement difficile (traumatismes, maladresses), le manque d’hygiène, un manque de surveillance de la part des parents, les maladies et notamment les entérocolites ou gastro-entérites estivales (cf les registres paroissiaux de juillet à septembre), les « coups de chaleur » à cause de l’emmaillotement, mais aussi « les coups de froid » en hiver en raison de l’obligation de baptiser le nouveau-né dans les vingt-quatre heures qui suivent la naissance (les fonds baptismaux sont parfois loin et l’église n’est jamais chauffée !), et enfin, les risques d’étouffement, accidentel ou non, dans le lit conjugal (on parle alors de « suffocation »).
Face à tant de décès, il nous est difficile aujourd’hui de comprendre l’attitude des parents, souvent résignés à accepter ces morts répétées et souvent vite remplacées par une nouvelle naissance (le nouveau-né porte généralement le nom de l’enfant décédé). « Petits enfants, petits deuils », écrit Pierre Goubert. Pour M. Laget, c’est comme si « l’enfant né et qui court tant de risques n’avait pas encore accès à la vie », comme si tous ces décès devaient s’inscrire dans l’ordre naturel des choses.

                                                               LES ABANDONS
D'ENFANTS

  L’abandon d’enfant est, sous l’ancien régime comme après la Révolution française, extrêmement fréquent.
  Au XVIIe siècle, à Paris, il correspond à environ 30 % des naissances.  

                                                               L'hôpital des Enfants-Trouvés

 L'appellation recouvre 2 entités :

1) L'Hôpital des Enfants-Trouvés, fondé par saint Vincent de Paul en 1638
  D'abord installé près de la Porte Saint-Victor, puis transféré au château de Bicêtre, puis près de Saint-Lazare, avant de l'être entre les rues St-Christophe et Neuve-Notre-Dame, il est devenu l'Hospice des Enfants-Trouvés du parvis Notre-Dame (dénommé aussi Maison de la Couche)
 En 1670, l'hospice a été rattaché à l'Hôpital Général : Louis XIII lui a alloué 4000 livres, Louis XIV, 8000 livres ; Louis XV, en 1767, 120000 livres.   
 En 1670, on y recensait 312 nourrissons ; en 1680, 890 ; en 1700, 1.738 ; en 1730, 2.401 ; en 1747, 3.369.
 La part croissante du nombre d'enfants secourus a incité l'administration à effectuer des travaux d'agrandissement,
de 1746 à 1751, pour augmenter la capacité d'accueil de l'établissement.
 En 1768, 6.025 orphelins y séjournent ; en 1772, 7.691 ; en 1780, 5568. Il n'abrite plus que 50 berceaux en 1783.
 2) La maison des Enfants-Trouvés, faubourg Saint-Antoine*, devenue hôpital Sainte-Marguerite en 1839, Sainte-Eugénie en 1854 puis Trousseau en 1870.
Elle recevait, à leur retour à Paris, les enfants, qui, bébés orphelins pendant leur court séjour dans l'établissement précédent, avaient été envoyés plusieurs années en nourrice à la campagne.
  * C'est en 1676, que la reine Marie-Thérèse posa, dans le faubourg Saint-Antoine, la première pierre de cet hospice pour les enfants trouvés, qui devint la maison principale, ayant pour succursale celle du Parvis Notre-Dame.
 
  La Révolution française substitua la conception laïque de justice à la notion chrétienne de charité : ainsi la loi du 28 juin 1793 mentionne-t-elle que la nation se charge de l’éducation physique et morale des enfants abandonnés, lesquels sont déclarés orphelins avant d’être «enfants naturels de la patrie».
  Les deux établissements, réunis par Bonaparte, sont établis en 1814 rue d'Enfer**, n° 100, dans les anciens bâtiments, édifiés en 1655, pour la congrégation des prêtres de l'Oratoire,  et deviennent
l' Hospice des Enfants-Trouvés.
 
L'établissement, désigné dans les rapports administratifs vers 1860, comme l'Hospice des Enfants-Assistés est devenu, en 1942, l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul.
 Et, en 1943, le Service des Enfants-Assistés est devenu le Service de l'Assistance à l'Enfance.
  **Le nom de rue d'Enfer vient de la déformation du latin via inferior ou infera qui désignait une voie basse, par opposition à une via superior située plus en hauteur.  
                                                            L'exposition des nouveaux-nés

L'étude des registres paroissiaux de Clary en Cambrésis fait apparaitre [...] une mortalité infantile très importante : 40 % des décès sont survenus avant la fin de la première année : sur 34  jeunes enfant décédés avant 1 an, en 1807, 16 sont des ''éléves'' de l'Hospice de la maternité de Paris* ou de l'Hospice des enfants trouvés se trouvant en nourrice dans les familles clarysiennes.
[...]
  * En 1792 les congrégations religieuses sont supprimées dans les hôpitaux (mais religieuses et religieux continuent provisoirement leur service).
 Les hôpitaux occupent alors les établissements religieux désaffectés (1793) : ainsi l’Hospice de l’Est s’installe à l’abbaye Saint-Antoine ; l’hospice de la Maternité à Port-Royal et l’hôpital militaire au Val-de-Grâce. Les hôpitaux et les hospices deviennent des établissements publics communaux en 1796.

 " A Paris, la coutume d'exposer les nouveaux-nés aux portes des églises remontait à une origine lointaine. L'Evêque de Paris et le Chapitre de la cathédrale Notre-Dame avaient pris la charge des enfants exposés, " pour l'honneur de Dieu " et aussi en leur qualité de seigneurs hauts-justiciers. Puis, les enfants étaient reçus dans une salle que l'on nomma "la Couche"."...
"Après un premier séjour à la crèche , où ils sont nourris à la cuillère par crainte des contaminations syphilitiques, les enfants reconnus imdemnes du mal vénérien sont confiés à des nourrices sédentaires ''pour disposer les nouveaux-nés à être tranférés sans danger à la campagne''. "
A partir du décret-loi impérial du 19 Janvier 1811, que l'on considère comme la première "Charte des Enfants assistés", certains hospices devinrent officiellement "dépositaires", c'est-à-dire chargés du recueil d'enfants ; l'ancien système du "tour" devint ainsi un mode légal d'abandon.
 Cependant, les Expositions (= enfants exposés dans des lieux où ils pouvaient être plus facilement "trouvés") sont malgré tout demeurées nombreuses à cette époque : à la porte des églises, des hospices, ou devant les porches des maisons cossues. Il y a probablement eu des bébés recueillis ailleurs, mais ils auraient dû être pris en charge à l'hospice (pour être orientés ensuite en nourrice et, plus tard, vers un placement à gages) et ainsi relever de l'autorité du préfet du département, lequel chargeait
un commissaire spécial de vérifier, environ deux fois par an, les registres de ces hospices, en raison du nombre d'enfants accueillis illicitement, alors qu'ils auraient dû relever d'autres départements.
Pour les enfants "trouvés" dont on ne connaissait pas l'origine, c'était le département du lieu de l'exposition qui était concerné.

Une surveillance s'effectua donc, mais elle fut peu efficace semble-t-il.
  En 1831, la vague d'abandons fut forte, et en 1832, une épidémie de choléra obligea les Hospices à recueillir aussi beaucoup d'orphelins.
  Le 12/03/1839, fut créée une fonction d'inspecteur chargé de la surveillance des placements, par instructions données à chaque préfet. Dans certains départements, cette fonction a d'abord été exercée par des inspecteurs d'écoles primaires, en raison d'un manque de crédits.
  En 1869, l'Inspecteur de l'Assistance Publique devint fonctionnaire d'Etat, chargé de l'exercice de la tutelle sur les pupilles, à lui déléguée par le Préfet. Les hospices "dépositaires" devaient tenir à jour leurs registres, main-courantes et autres pièces pour les communiquer à cet Inspecteur.  
 extraits du livre d'Henri Montigny, Notre Histoire à travers celle de Clary en Cambrésis. (livre épuisé.) 
                                                  
 Sources :
 Le "tour"d'abandon* : guichet incluant une boîte pivotante permettant de confier le nouveau-né à un préposé anonymement.
  L'abandon d'enfants dans l'Histoire
  Les enfants abandonnés et les enfants naturels : histoire, sources et méthodes de recherche

           Les enfants abandonnés au 18ème et 19ème siècles en Europe . Ronzy Amandine.
                                             Sous la direction de Mr Guy Brunet. Université Lumière Lyon2. 
 
Synthèse
  Le phénomène de l’abandon d’enfant est, aujourd’hui, rare et décrié dans les pays européens. Il provoque des vagues d’émotion. Au 18ème et au19ème siècles, les abandons d’enfant étaient fréquents, de nombreux historiens ont étudié le sujet. Entre 1750 et 1950, Jean-Pierre Bardet estime que plus de trois millions d’enfants ont été « exposés » par les Français et trois ou quatre fois plus à l’échelle continentale. Cette pratique est commune à tous les pays européens malgré de notables différences : les pays latins et catholiques paraissent délaisser plus souvent leur progéniture que les pays nordiques et protestants. Les fluctuations du taux d’abandon diffèrent selon des variables locales : présence d’un « tour », d’un hospice, taux d’urbanisation, taux de domesticité, taux de nuptialité…. Une courbe générale et commune à toute l’Europe sur l’évolution de l’abandon pendant les deux siècles étudiés ne peut pas être établie. Ainsi que le démontre Richter Jeffrey, les pratiques diffèrent à l’intérieur d’une nation comme l’Allemagne impériale : si les expositions sont fréquentes en Alsace-Lorraine, elles sont rares en Prusse Orientale où le taux d’infanticide est élevé.
  Le délaissement d’enfant n’a pas toujours eu le poids moral qu’il possède désormais. Une anecdote célèbre, sur Rousseau, reprise en exergue dans nombre d’essais l’illustre. Il confie ses cinq enfants à la Maison de la Couche à Paris, estimant sincèrement qu’ils recevront la meilleure éducation possible. Comme le rappelle Jean-Pierre Bardet dans l’introduction des actes du colloque de Rome, l’histoire de ces « sans famille » est partie prenante de l’histoire de la famille et de l’enfance.
L’abandon était vu comme un moyen de régulation des naissances. Le sentiment maternel apparaît au cours du 19ème siècle. En Islande, l’article de Gisgli Gunlaugston présente l’abandon comme une redistribution du « surplus » d’enfants, dont la circulation est jugée comme normale et positive. L’abandon est vécu souvent comme une preuve d’amour. De nombreux  parents pensent offrir à leur progéniture un meilleur avenir et une meilleure éducation en les confiant aux hospices. Tel est le cas de l’hôpital Italien de Prague décrit par Petr Svobodony : les enfants abandonnés qui y sont recueillis sont par décret des hommes libres, ce qui formait une voix de salut pour les enfants des serfs.
1. L’abandon et ses circonstances.
  La question de l’âge de l’enfant au moment de l’abandon est primordiale pour des considérations démographiques (chances de survie) et pour cerner les motivations des abandonneurs (préméditation?). Les nouveau-nés sont généralement nombreux: à Grasse entre 1768 et 1789 sur les 426 enfants abandonnés, neuf seulement avaient plus d’un mois ; à Paris, dans la deuxième moitié du 18ème siècle, entre 78 et 90% des enfants ont moins d’un mois. Les enfants âgés de plus d’un an sont rares, les motivations des parents lors de l’abandon sont généralement différentes. Elles peuvent être la perte d’un emploi, l’infirmité de l’enfant, le décès d’un des membres du couple ainsi que le retrace Guy Florenty décrivant le délaissement, en avril 1824, de Jean et Pierre de Prado âgés deux ans et un an.
Les historiens, les démographes tentent de donner un visage aux parents. Ceux-ci demeurent souvent mystérieux notamment dans le cas des enfants trouvés et exposés à l’inverse de certains enfants « abandonnés ». Ils ont été déposés officiellement dans une institution, le préposé a essayé de recueillir quelques informations auprès de l’accompagnateur (parent, grand-parent, sage-femme…). Parfois des billets, accrochés aux vêtements, déposés dans le berceau apportent de rares informations.L’article de Outhwaite RB apporte un nouveau éclairage sur ces mères et pères dans son étude des demandes de prise en charge d’enfants (« pétitions ») reçues par le London Foundling Hospital entre 1768 et 177213. Ces lettres sont parfois très détaillées sur les circonstances de la naissance, sur le statut social de la mère, du père, sur leur état-civil. Toutefois, il est admis que le principe même de l’exposition : l’anonymat, ne permet pas de percer le mystère qui entoure certains nourrissons.
  Les motivations les plus fréquentes de l’abandon semblent se résumer en deux termes : la misère, l’honneur. Exposer son bébé est souvent le fait de mères célibataires. Leurs enfants sont des « bâtards » comme l’indiquent avec mépris les administrateurs dans les registres des hospices, Hôtel-Dieu…Le taux d’illégitimité est calculé et une corrélation
avec le taux d’abandon peut être établie. Claude Delasselle estime qu’en 1793 à l’Hôtel-Dieu de Paris le rapport des enfants illégitimes était de 70 à 80 pour 100 enfants recueillis. Le titre de l’ouvrage de David I Kertzer : sacrificed for honor ; italian abandonment and the politics of reproductive control, publié en 1993 laisse supposer que la sauvegarde de la morale et de la vertu est le principal dessein des mères. D’autres spécialistes s’opposent à cette vision en mettant en avant la pauvreté comme motivation plus profonde. Une fille-mère peut difficilement dans le contexte du 18ème et 19ème siècles subvenir à la fois à ses besoins et à ceux de son enfant. Le confier à l’assistance publique est considéré comme une possibilité d’échapper à sa difficile condition.
  La pauvreté est aussi la cause majeure du délaissement des enfants légitimes notamment dans le cas de femmes veuves : il est difficile d’être une femme seule. Des couples légitimes et vivants abandonnent, eux aussi, leur nourrisson pour lui donner une meilleure chance de survie ainsi qu’à ses frères et sœurs plus âgés qui souffriraient de l’arrivée d’une bouche supplémentaire dans le ménage.
  La façon d’abandonner l’enfant change au cours du temps. Mais l’exposition est une constante de l’abandon malgré ses fluctuations. Elle se fait dans la rue, devant des maisons privées, devant les commerces, dans les églises, devant les porches des hospices…Thierry Keck et Philippe Maret ont cartographié pour la ville de Vienne dans l’Isère cette géographie mouvante15) Ils établissent que ces expositions se font dans des lieux discrets mais fréquentés, le but étant que les enfants soient rapidement découverts et pris en charge. L’exposition semble diminuer avec l’arrivée des tours : système rotatif placé dans les murs des hospices qui permet à l’abandonneur de déposer en toute sécurité et discrétion l’enfant et de signaler sa présence par une clochette. Leur existence se généralise entre 1700 et 1850 : la reine Marie les officialise au Portugal en 178316. En France Napoléon demande leur systématisation en 1811. La discrétion entraînée par la dévalorisation progressive de l’acte d’abandon au 19ème siècle devient de plus en plus essentielle.
2. L’accueil de l’enfant abandonné.
  La prise en charge diffère selon le temps et le lieu. L’institutionnalisation et la législation forment des thèmes récurrents des spécialistes, elles expliquent certaines formes d’abandons et leurs fluctuations. Monique Courier dévoile comment, en Savoie, la communauté villageoise qui devait s’occuper du délaissé tentait d’échapper à ses obligations  En Italie, les hospices pour enfants trouvés existent depuis longtemps : à Florence à partir de 1445, à Naples dès le 17ème siècle la Maison de l’Annonciation est considérée comme une « usine à abandon ». Certains historiens expliquent la précocité de l’Italie par une vision de la charité chrétienne centrée sur le christ souffrant. En France, les seigneurs hautjusticiers étaient chargés de subvenir aux besoins des exposés mais peu à peu cette résurgence de l’ancien régime disparaît au profit de la multiplication des hospices spécialisés dans la continuité des hôpitaux.Les pays anglo-saxons et nordiques mettent en place quelques structures d’accueil de façon beaucoup plus tardive.
  Les enfants reçoivent rapidement un nom. Le véritable nom est parfois connu, mais il n’est pas toujours conservé, il peut-être simplement déformé ou complètement ignoré. Les noms attribués fortuitement fournissent plus de renseignements sur les administrateurs, sur les religieuses, sur le personnel des hospices… que sur l’acte d’abandon. Au moment de la Révolution, à Montbrison, les prénoms avaient des consonances patriotiques.
  L’institutionnalisation de l’accueil de ces enfants se heurte à l’opinion des contemporains. Ils y voient un encouragement à l’abandon. Le tour est le principal objet de controverse puisqu’il permet un abandon complètement anonyme. Il suscite un débat dans tous les pays où il existe : France, Angleterre, Portugal, Italie, Belgique…Leur nombre diminue dès 1850.
  Les souverains et les autres dirigeants des nations européennes se sont penchés sur le cas de ces milliers d’enfants. La Russie et la France sont deux exemples significatifs. Catherine II de Russie, charge un haut fonctionnaire de créer un «troisième tiers-état » de commerçants et artisans. A cette fin, l’hospice de Moscou est créé et les enfants abandonnés suivent « une éducation idéale » sur les principes des philosophes du siècle des lumières. Napoléon, lui aussi, nourrit des idées semblables et tente de former un régiment de pupilles à l’éducation guerrière en 1811. Mais ces deux expériences furent des échecs.
3. Le devenir des délaissés.
  La mort était le sort le plus courant des enfants abandonnés. Toutes les études historiques sur le thème du délaissement reviennent sur l’importante mortalité infantile qui frappait ces enfants.
 Les contemporains ne prirent que lentement conscience de cette hécatombe.A partir du 19ème siècle, seulement, apparaît un sentiment de révolte : des moyens sont mis en place pour tenter de combattre ce phénomène. Diverses explications sont avancées pour expliquer leurs faibles chances de survie.

  Plus l’enfant est jeune lors de l’abandon plus il risque de succomber. Or il a déjà été noté que la grande majorité des enfants exposés avait moins d’un mois d’existence. Leur fragilité les rendait extrêmement vulnérables.
La pratique de mise en nourrice a longtemps été accusée d’être à l’origine de ces morts. Les études des dix dernières années vont à l’encontre de cette supposition que les contemporains entretenaient déjà. Effectivement certaines femmes avaient une pratique commerciale de la mise en nourrice : « l’allaitement mercenaire », qui leur assurait un revenu supplémentaire. Jean-Pierre Bardet réhabilite pourtant les nourrices villageoises dans ces derniers travaux
  Des démographes ont désormais établi que la différence de mortalité entre les enfants abandonnés et les autres était significative uniquement dans les premiers temps de leur vie. Ensuite l’écart diminue. Les femmes ayant abandonné leurs enfants vivaient généralement dans de mauvaises conditions : alimentation insuffisante et de qualité médiocre, travail éreintant, logements insalubres…Elles ont quelques fois tenté d’avorter sans succès ou elles sont elles-mêmes malades. La syphilis semble avoir touché certaines mères, de façon moins fréquente que ne l’estimaient les italiens persuadés que l’abandon d’enfant était le fait de « femmes de mauvaises vies ».. Ces conditions rejaillissent sur leurs nourrissons, beaucoup de prématurés, qui sont souvent de faible constitution. L’exposition de l’enfant est très dangereuse si celui-ci n’est pas recueilli immédiatement, il souffre du froid, de la faim… Cependant l’accueil immédiat dans un hospice n’est pas obligatoirement un facteur de survie, puisque le nouveau-né se trouve en contact avec les malades et leurs virus.
  La mise en nourrice n’est plus considérée comme la principale cause de mortalité, c’est aussi le transport qui est généralement incriminé. Celui-ci s’exerçait dans de très mauvaises conditions. Les nourrices des enfants trouvés vivaient loin des hospices urbains car, souvent, les villageoises des campagnes proches s’occupaient des enfants des bourgeois.
  Certains enfants délaissés survivaient. Leur devenir est un des axes actuels de recherche. Etudier leur vie après leur première année d’existence n’est pas évident, des recherches prosopographiques sont essentielles et elles sont longues à établir. Leur trace est régulièrement perdue après leur septième anniversaire ou après leur douzième. Ces deux anniversaires sont souvent l’occasion de tournants pour ces enfants : à sept ans ou à douze ans ils quittent leur famille nourricière pour retourner à l’hospice, apprendre un métier, être placés en apprentissage… En Russie, suite aux tentatives utopiques, la faculté de médecine leur est ouverte, des corps de métiers artisanaux ou commerçants leur sont enseignés.
Quelques enfants sont réclamés par leurs parents, Isabel Dos Guimaraes estime qu’au 18ème siècle moins de 15% des abandonnés sont concernés. Quelques uns restent dans leur famille nourricière : des liens se sont créés. La trace du mariage de certains d’entre eux prouvent que leur intégration dans la société est possible mais elle reste rare…
Pèsent sur eux tout l’infamie et la honte qui peut avoir pousser leur mère à les exposer. La représentation populaire de l’enfant abandonné est rarement positive : certains le voient comme un être pervers, déformé physiquement, porteur d’un héritage mystérieux et effrayant.
Les références qui ont permis de rédiger cette synthèse se trouvent dans la bibliographie à consulter sur la page web d'origine.
 
                                         
     
 Liens :
 l'enfance abandonnée :
 Enfants abandonnés et enfants trouvés. Jean Grenier meneur de nourrices pour l’hôpital des enfants trouvés de Paris (1750- 1800)
 Enfants exposés ou orphelins à Paris et en province (Aunis, Saintonge et Angoumois)
 L'abandon d'enfants dans l'Histoire
 Les placements d’enfants, historique et enjeux
 L'enfance assistée : Historique (texte établi par le service des archives de l’AP-HP)
Bibliographie :
 l'enfance abandonnée :
 Le soin des enfants au XVII è siècle. Bernard JOLIBERT 
 Abrégé historique de l’établissement de l’hôpital des Enfants-trouvés
 Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours. Jacques-Maximilien Benjamin Bins de Saint-Victor  
 
Histoire statistique et morale des enfants trouvés. Jean François Terme,Jean Baptiste Monfalcon
 
Les enfans trouvés. Alphonse Esquiros.Revue des Deux Mondes, tome 13, 1846    L’hospice de Paris
 Rappel :
Périnatalité & Histoire........les naissances : l'accouchement, les matrones et les sage-femmes
Périnatalité & Démographie : la naissance et son rituel dans la société d’Ancien Régime
Périnatalité & Sociologie   1   : l’infanticide et la mortalité infantile
                                       les abandons d'enfants et l'hôpital des Enfants-Trouvés
                                       les enfants abandonnés au 18ème et 19ème siècles en Europe
                                       la recherches des parents d'un enfant trouvé
Périnatalité & Sociologie 2  : l'allaitement maternel, croyances et idées
                                       le métier de nourrice et l’industrie nourricière, en France
                                       le tétaïre : un métier ahurissant
                                       le meneur
Périnatalité & Sociologie 3   : les dessous étymologiques

  
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