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                                                                        JAULNES - Histoire 4
                                    Le véritable emplacement de la bataille de Fontanetum (25 juin 841)

Encyclopedia universalis
 LOTHAIRE Ier (795-855) empereur d'Occident (840-855)
  Après la mort, en 840, de Louis le Pieux*, Lothaire revendique toute la succession et décide d'occuper les parts de Charles et de Louis dit le Germanique. Les deux frères forment une alliance et battent les troupes de Lothaire** à Fontenoy-en-Puisaye (juin 841), bataille qui est considérée comme un « jugement de Dieu ». A Strasbourg, les deux frères se prêtent mutuellement serment (842), puis gagnent Aix-la-Chapelle, la capitale de Lothaire. Ce dernier est forcé d'accepter l'idée d'un partage de l'Empire.
NDR :
*  dit aussi Louis le Débonnaire, fils de Charlemagne.
** le roi Pépin II d’Aquitaine, fils de feu Pépin Ier, neveu de Charles et Louis s’était rangé au côté de Lothaire.
Un obélisque commémorant la bataille fut érigé en 1860 sur ordre de Napoléon III. Sur le piédestal , on lit :
 « ICI FUT LIVRÉE LE 25 JUIN 841 LA BATAILLE DE FONTENOY ENTRE LES ENFANTS DE LOUIS LE DÉBONNAIRE. LA VICTOIRE DE CHARLES LE CHAUVE SÉPARA LA FRANCE DE L’EMPIRE D’OCCIDENT ET FONDA L’INDÉPENDANCE DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »

Dictionnaire féodal 2 Jacques Collin de Flancy, Libr. Constitutionnelle de Brissot-Thivars,1820, 330 p., (Livre numérique Google) p.103      [...] Plusieurs historiens assurent qu’il resta près de cent mille Français sur le champ de bataille à la fameuse journée de Fontenay en 841. Presque tous les guerriers venus de la Champagne y périrent ; ce qui a donné lieu de fixer à cette époque la coutume de
la province de Champagne, par laquelle le ventre anoblit ; c est à dire que la mère anoblit les enfans, quoique le père soit roturier.  Il paraît certain que ce privilège, qui ne subsiste plus, a été accordé aux femmes nobles, pour rétablir le corps de la noblesse, qui fut presque anéanti, d’abord à la journée de Fontenay, ensuite en Afrique, sous le règne de saint Louis, et enfin aux Fossés-de- Jaulnes, auprès de Bray. Cette concession ne peut qu’ être infiniment honorable à la Champagne, sous quelque règne qu’on la place ; mais est-il bien sûr qu'on doive la fixer sous celui de Charles-le-Chauve (2) ? ..
 (2) L abbé Bertou Anec. Françaises.- Mais, pour que le fils, qui tirait sa noblesse du ventre de sa mère, fût ré puté véritablement noble, il fallait q’ il renonçât au tout, [...]
          Division de l'Empire de Charlemagne en 843 carte n°1
                                                                         carte n° 2

Le traité de Verdun (843) selon Nithard  Dacodoc.fr
I]  Les enjeux des négociations
  a)    Maintenir la paix
  b)   Diviser équitablement l'Empire...
  c)...à partir des lots attribués par Louis le Pieux
II] La mise en oeuvre du partage
  a)   Le choix de la ville de Coblence
  b)   Un partage impossible ?
  c)   La conclusion du traité
 «La mort de Louis le Pieux qui intervient le 20 juin 840 entraîne des divisions autour des trois fils du défunt sur la question de l’héritage. En effet, le titre impérial revient au fils aîné de Louis, Lothaire. Ce dernier dresse rapidement ses frères contre lui en tentant de réunir tout l’héritage impérial sous sa direction sans leur reconnaître de royaume autonome. Face à ces excès de Lothaire aidé d’une puissante clientèle et du trésor impérial, Louis et Charles s’allient et remporte une victoire décisive le 25 juin 841 à Fontenay-en-Puisaye, prés d’Auxerre dans une bataille considérée comme l’une des plus meurtrière du Moyen Âge. Malgré la défaite, Lothaire ne pose pas les armes et c’est dans ces conditions que Louis et Charles s’engagèrent à s’aider réciproquement et à ne pas traiter séparément avec Lothaire. En fait, les deux rois jurèrent de se porter mutuelle assistance contre les actes de leur frère aîné et de ne pas chercher à se nuire l'un l'autre. Ces serments furent prononcés par les deux frères le 14 février 842 dans la ville de Strasbourg. Les textes de ces serments nous sont connus aujourd’hui car ils ont été rapportés par l’historien Nithard, auteur par ailleurs du texte soumis à notre étude. Nithard est le petit fils de Charlemagne par sa mère Berthe (fille de Charlemagne). Il appartient à la noblesse franque et il est le cousin germain des fils de Louis le Pieux. Nithard est l’un des principaux conseillers de Charles le Chauve pour qui il combattra notamment face à Lothaire à Fontenay-en-Puisaye. En 843, il est nommé abbé laïc de St Riquier. C’est à la demande de Charles qu’il décide de fixer par écrit le récit des événements de son temps : ses Histoires des fils de Louis le Pieux en latin et divisé en quatre livres, vont de la mort de Charlemagne en 814 jusqu’en 843. Il traite d'événements dont il a été témoin oculaire et participant. Son œuvre tend à justifier la politique de Charles le Chauve, face à la faiblesse de Louis et aux machinations de Lothaire. La date du décès de Nithard reste difficile à définir, mais on peut penser qu’il aurait trouvé la mort durant l’année 844. Le texte du traité, perdu, ne nous est pas connu, seules les annales de Saint-Bertin ou les annales de Fulda relatent cet événement mais d'une manière concise et imprécise. Le texte de Nithard soumis à notre étude décrit les délibérations entre les frères pour le partage de l’empire, ces dernières menant au traité de Verdun. Cet extrait est présent dans le quatrième livre des Histoires des fils de Louis le Pieux. Le texte peut se décomposer en trois parties, d’abord l’auteur décrit la réunion prés de Mâcon ou les frères se jurent la paix et une division équitable de l’empire, ensuite il annonce le retour de chaque frère dans le lot qui lui avait été attribué avant la mort de leur père. Enfin, il décrit la réunion qui à lieu en Octobre à Saint-Castor ou l’on découvre que personne ne connaît précisément l’empire et que la division s’avère compliquée.»
 
Histoire de France: depuis l'établissement de la monarchie jusqu'au règne de Louis XIV.
Paul François Velly (abbé), Claude Villaret, Jean-Jacques Garnier Saillant & Nyon, Desaint, 1770  (Livre numérique Google) p. 305 & suiv.
[..] «Le roi Charles ne perdit point courage, il assembla promptement une petite armée, qu’il conduisit jusqu’à Orléans, où il assit son camp. On étoit à la veille de décider le différend par une bataille, lorsque Lothaire, désespéré de n’avoir pu débaucher les troupes de son frère, consentit tout-d’un-coup à la paix. Les conditions en étoient extrêmement dures : le jeune monarque perdoit une partie de la Neustrie : mais il aima mieux s y soumettre, que de risquer une action contre un ennemi beaucoup plus fort. On lui promettoit de s’en rapporter pour un nouvel accommodement à la décision d’une assemblée, qui dès-lors fut indiquée au palais d’Attigny sur l Aisne pour le mois de Mai de année suivante. On lui juroit jusque-là une cessation de toute hostilité : il espéroit tout du temps, de l’amour de ses sujets & de l’équité de la nation, que ses grandes qualités lui avoient fortement attachée.
  Lothaire ne se trouva point à la Diète, qu’il avoit lui-même convoquée. Ce manque de foi, une seconde irruption dans la Germanie, de nouvelles intrigues pour attirer à son parti plusieurs seigneurs de Neustrie, firent enfin comprendre aux deux rois qu’il étoit de leur intérêt commun de se réunir pour mettre un frein à l’ambition de leur frère aîné : ils se joignirent sur les contins de la Lorraine. Leur armée se trouva formidable, & plus forte que celle de l’empereur : ils ne laissèrent pas de lui proposer des conditions raisonnables. II feignit d’écouter leurs propositions, mais il ne vouloit que gagner du temps.Dès que le fils de Pépin l’eut joint avec un grand secours d’Aquitaine, il rompit la négociation, & s’avança dans la plaine de Fontenay, bourg de l’Auxerrois où il présenta la bataille aux deux princes. Elle fut des plus cruelles & des plus sanglantes. La victoire long-temps disputée demeura enfin pleine & assurée à Charles & à Louis, qui ne sçurent point profiter de leurs avantages.
[ ndr : (près d’Auxerre) la bataille de Fontenoy-en-Puisaye eut lieu le 25 juin 841 sur le territoire de l'actuelle commune de Fontenoy (Yonne), "au cœur" de la Puisaye. Elle opposa Lothaire Ier, le fils aîné de Louis Ierle Pieux, à ses deux frères, Louis le Germanique et Charles le Chauve. Leur neveu, le roi Pépin II d'Aquitaine, fils de feu Pépin Ier, se rangea du côté de Lothaire. [Wikipedia]
Quelques modernes assurent qu’il périt en cette occasion plus de cent mille François : c’est une exagération. Nithard, auteur contemporain & témoin de faction, n’auroit pas oublié une circonstance si remarquable. On veut encore que cette mémorable bataille soit l’époque de l’ancienne coutume de Champagne où le ventre ennoblit. On raconte que ce privilège, si contraire a l’usage constant de la France, fut accordé à cette province, à cause de la perte qu’elle avoit faite de presque toute sa noblesse à la journée de Fontenay. Quelques uns cependant rapportent l’origine de cette prérogative à une grande défaite des nobles de Champagne aux fossés de Jaulnes près Bray. Ceux-ci la reculent jusqu’au règne de saint Louis, sous lequel presque toute la noblesse Champenoise fut tuée, ou demeura prisonnière en Afrique : ceux-là, aussi peu fondés, la vont chercher jusque dans le droit commun de l Angleterre, & prétendent que c’est une concession des Anglois, lorsqu’ils étoient maîtres de cette partie de l’empire François. II est plus vraisemblable que les comtes de Champagne, toujours attentifs à faire fleurir le commerce dans leurs Etats, imaginèrent cette communication de la noblesse aux négociants, comme un des moyens les plus efficaces pour exciter l’émulation parmi leurs sujets. C’étoit en même temps couronner les travaux du roturier, & donner au noble, l’éclat qui suit toujours les richesses.  
L’empereur [ndr : Lothaire] contraint de prendre la fuite, se retira à Aix la Chapelle, où il employa toutes sortes de ressources pour relever son parti.
»   [...]

Nouvelle Histoire de la France médiévale (t. 2) : L'Héritage des Charles de Laurent Theis [p 31]
 
«Le 25 juin 841, à Fontenoy-en-Puysaye, Louis et Charles, le cœur rempli des dispositions les plus pieuses, reçoivent l'attaque de Lothaire. La bataille est d'une violence inouïe, inoubliable, comme il sied entre frères. Fait exceptionnel dans les guerres médiévales, encore que celle-ci ressortissent plutôt au genre antique, ces hommes, qui se connaissent tous, s'entre-tuent par centaines. Le choc psychologique et moral et profond. Enfin, l'empereur et les siens détalent. [...) ceux que l'on a ainsi massacrés sont des amis, des parents, des chrétiens surtout. Comment en est-on arrivé-là ?
[p. 32]
... Lorsque après la bataille fut venu le temps de la discussion, les trois frères, réunis sur le bord de la Saône, non loin de Mâcon, décidèrent en juin 842 de faire la paix et de diviser l'Empire "aussi également que possible". Les cent vingt experts désignés par tiers par chacun des rois se réunirent à Coblence en octobre, pour procéder au découpage. On s'avisa alors que personne n'avait; dit Nithard, "une connaissance claire de tout l'Empire". Aussi est-ce à l'issue d'une longue enquête que les trois frères, réunis à Verdun, s'accordèrent au début août 843. Ce sont moins des territoires qu'il s'agit de se répartir que, comme l'écrit Nithard, des évêchés, de abbayes, des comtés et des fiscs, avec les hommes et les terres, les fidélités, les droits et les revenus qui s'y attachent.
»

Victoires, conquêtes, désastres, revers et guerres civiles des Français depuis les temps les plus reculés jusques et compris la bataille de Navarin : Charles-Théodore Beauvais  C.L.F. Panckoucke, 1822. Texte (Livre numérique Google)
p.48 Guerre des Francs
[…] «Une bataille générale allait fixer les droits réciproques des princes français. Lothaire, en se rendant au devant de Pépin, qui venait d'Aquitaine à la tête d'une armée, avait confié la défense du Rhin au duc de Metz, Adalbert. Louis-le- Germanique força le passage du fleuve avec de nouvelles troupes qu’il était parvenu à rassembler, et fit sa jonction avec Charles. L'empereur Lothaire allait également opérer la sienne avec Pépin. Ce dernier était suivi de près par Bernard, duc de Septimanie, qui, sans avoir l'intention de prendre part à cette lutte, voulait seulement attendre son issue pour se ranger du côté du vainqueur.
  Les armées des quatre princes sont en présence près de la ville d'Auxerre. - C'était au cœur de la France qu’avait lieu ce grand rassemblement des forces de l'empire. Les deux partis se trouvèrent en présence le 21 juin 841 aux environs de la ville d’Auxerre. Lothaire, qui attendait encore Pépin, prit en arrière une position avantageuse, entre des bois et des marais qui coupaient le pays, pour éviter d en venir aux mains. Charles et Louis, en voyant ce mouvement, laissent une partie de leurs troupes dans le camp, et se portent avec une forte avant-garde vers le lieu où Lothaire commençait à établir ses troupes. Après avoir reconnu les difficultés que présentait l'abord de cette position, les deux frères alliés envoient des hérauts à leur aîné, pour se plaindre de ce qu’il refusait également de faire la paix et de combattre 1. Il avait rejeté, disaient-ils, leurs offres d’accommodement, et cependant, il se dérobait au combat ; pour eux, ils étaient prêts à soumettre leur cause au jugement de Dieu : déjà ils l’avaient invoqué par
1 Quod illis pacem absque prœlio denegaverat (Nithard. Histor , lib. II,  cap.10.)
des jeûnes et des prières ; et désormais, selon que Lothaire voudrait choisir, ou ils marcheraient à lui, ou ils l’attendraient en lui ouvrant tous les passages, et ils lui présenteraient sans fraude un combat égal 1. Lothaire renvoya les hérauts, en annonçant que les siens porteraient bientôt sa réponse. En même temps, il établit son camp au village de Fontenay 2,  tandis que ses frères, continuant leur marche, vinrent placer leurs troupes à Tourière ou Tury, autre village à sept lieues d'Auxerre.
  Dans cette position respective, Charles et Louis ne voyant pas arriver les hérauts de Lothaire, firent encore une dernière tentative auprès de lui pour l’amener à des sentiments pacifiques. Ils l’invitèrent de nouveau à se souvenir qu’il était leur frère, à rendre la paix à l’église et à tout le peuple chrétien, à les laisser en possession des états qu’ils tenaient de l’aveu de leur père, dont l’indulgence seule lui avait conservé les siens propres 3. Ils lui offraient de lui céder, l'un la partie septentrionale du royaume de Neustrie jusqu’à la forêt Charbonnière, l’autre une partie de la France germanique jusqu’au Rhin ; enfin, si cette cession ne lui convenait pas, Charles et Louis consentaient à un nouveau partage de toute la France en trois parties égales. Lothaire, suivant son usage, fit dire qu’il rendrait réponse par ses propres hérauts, mais qu’il voulait réfléchir quelque temps sur des propositions que les deux princes lui transmettaient, ajoutait-il, pour la première fois 4. Il est
1 Sismondi, Hist. des Français, tom III. -  Nithard, H st., I. nII,c. 10.
2 Ou Fontenaille, village situé sur la petite rivière de Druye . (Voyez Dissertation sur la bataille de Fontenay par l'abbé Lebeuf.
3 Concederet illis regna a patre suo consensu concessa, haberet sua sibi, non merito, sed sola misericordia a patre illi relicta. (Nithard. Histor.,  lib. II, cap.  10.)
4 Nithard. Hist., lib. II,  cap 10
 P. P. III.
p.50
facile de remarquer que ce prince, par ces moyens évasifs, ne cherchait qu’à gagner du temps jusqu’à l’arrivée du renfort que lui amenait Pépin II. En effet, celui-ci ayant opéré sa jonction le 24, Lothaire manda à ses deux frères qu’ils se rappelassent eux-mêmes que le nom d’empereur lui avait été imposé par une grande autorité 1, et qu’ils considérassent comment il pouvait remplir les devoirs étendus de ce titre. Cette hauteur injurieuse fit perdre à Louis et à Charles tout espoir de conciliation, et ils firent répondre à Lothaire que, s’il n'avait rien de mieux à leur communiquer, ils viendraient le lendemain (25), à la deuxième heure du jour , « demander entre eux et lui le jugement de ce Dieu tout puissant, auquel il les avait forcés de recourir, contre leur volonté 2. »
  Bataille de Fontenay ; Lothaire est vaincu. -  Le lendemain, dès la pointe du jour, les deux rois de Bavière et de Neustrie parcourent le front de leur camp, en avant de leurs premiers postes, et font occuper une hauteur qui dominait le camp de Lothaire, et dont celui ci avait négligé de s'emparer. Ils déterminent en même temps l'attaque de l'armée ennemie sur trois points principaux de sa ligne, que nous trouvons désignés dans l'historien Nithard, présent à l'action. La petite rivière de Druye séparait les deux armées. Lothaire s'était réservé le commandement direct de son centre, placé au lieu appelé les Bretignelles3; on ne connaît point le nom des lieutenans auquel il avait confié le commandement de ses deux ailes, disposées, la droite au hameau de Fay, la gauche à celui de Coulenne4. Louis-le-
1 Scirent illi imperatoris nomen magna auctoritate fuisse impositum. (Nith. Histor., lib. II, cap. 10.
2 De Sismondi, Histoire des Français, tome III. -  Nithard Histor., lib. II,  cap. 10.
3 En latin Brittas
4 Ces deux endroits sont appelés Fagit et Solennat dans l'histoire de Nithard.
p.51
Germanique se chargea de l'attaque du corps commandé par Lothaire en personne ; Charles dut marcher sur Fay ; l'attaque de l'aile gauche fut donnée aux comtes Adhelard et Nithard.
   Le combat s'engagea en même temps sur les trois points que nous venons d'indiquer. Le roi de Bavière obtint un succès complet sur Lothaire 1, dont les troupes prirent la fuite ; Charles ne fut pas moins heureux vis a vis de l'aile droite ennemie, qui opposa une résistance médiocre. Il paraît que la victoire fut mieux disputée à l'aile gauche ; mais les lieutenans des deux frères finirent également par remporter l avantage L armée de Lothaire abandonna entièrement le champ de bataille.
  Bien que les annalistes de cette époque n'aient point mentionné le nombre de morts de part et d'autre, on doit présumer qu'il fut immense, puisque l'auteur des Annales de Metz, que les historiens postérieurs ont suivi en cette circonstance, dit expressément que cette bataille affaiblit tellement les forces et l'énergie françaises, que la nation fut désormais dans l'impuissance, non-seulement d'étendre ses conquêtes précédentes, mais encore de défendre son propre territoire contre les agressions étrangères2,  c'est à dire d’arrêter
1 La chronique d Adémar attribue ce succès au duc Warin, qui commandait un corps de Provençaux et de Toulousains. D'après cette chronique, il paraîtrait que Lothaire, d'abord victorieux, fut ensuite mis en déroute par ce même Warin, détaché peut-être par le roi Charles au secours de Louis- le-Germanique après le succès que le premier venait d'obtenir sur la droite du roi d'Italie. Voici le texte d Adémar : Victor extitit Lotharius : sed subito Warinus duc cum Provincianis et Tolosanis superveniens, super Lotharius irruit…… Fugatus est et victus Lotharius. ( Ademari Chaban, Chronic., Recueil de dom Bouquet,  t.VII, p. 225.)
2  In qua pugna ita Francorum vires attenuatae sunt, ac famosa virtus infirmata, ut non modo ad amplificandos regni terminos, verum etiam nec ad tuendos proprios in posterum sufficerent. (Annal. Mettens. ad ann. 841.)
p.52
les ravages des Normands des Sarrasins et des Bretons1.  
  Au surplus, la bataille de Fontenay, la plus sanglante qui eût eu lieu depuis la fondation de la monarchie des Francs2, est rapportée presque sans aucuns détails par tous les historiens contemporains. Les comtes Ratier et Girard, gendres de Pepin 1er, roi d'Aquitaine, y furent tués. Un légat, qui se disait envoyé par le pape Grégoire pour réconcilier les trois frères, fut fait prisonnier par le roi Charles, qui le renvoya après l'avoir sévèrement réprimandé et  exigé de lui le serment de ne plus reprendre les armes3. Les vainqueurs donnèrent aux blessés et aux morts des deux partis les mêmes soins et la même sépulture : tous les prisonniers furent renvoyés sans rançon.
   Lothaire se retira, sans être poursuivi, sur Aix-la-Chapelle. La facilité de cette retraite démontre que la perte n'avait guère été moins considérable dans l'armée des deux rois alliés que dans celle de leur frère aîné.» [...]
1 Un seul écrivain italien contemporain, mais italien, porte à quarante mille hommes la perte de la seule aimée de Lothaire. Voyez Agnelli Ravenn. Lib. pontif. in vitâ Georgii . Recueil de dom Bouquet .)
2 Cœdes nulla pejor fuit
Campo nec in martio
Facta est nex christianorum
Sanguine proluvi .
(Versus de bella quae fuit Fontaneto.
Ex codice ms. Sanct. Martial. Lemovic. nunc regio, scriptus sœculo decimo .)
3 Agnelli Ravennens. Lib. pontifical. in vitâ Georgii.
 
Angelbertus (Angilbert), auteur du Poème rythmique sur la bataille de Fontenoy, partisan de Lothaire et combattant dans son armée, décrit ainsi la bataille :
Maudit soit ce jour fatal !
Qu'il ne compte plus dans le cercle de l'année !
Qu'il soit rayé de tout souvenir ! 
Que la clarté du soleil lui manque,
Et qu'il n'ait point d'aurore à son lever !
Ah ! nuit affreuse, nuit amère,
Nuit dure, où demeurèrent gisants les forts,
Expérimentés aux batailles, que pleurent aujourd'hui
Tant de pères et de mères, tant de frères et de sœurs, tant d'amis !
« Quand l’aurore sépara une nuit affreuse des premières lueurs du matin, on vit paraître, non un jour de repos sabbatique [c'était le samedi], mais le fatal météore de Saturne [le samedi est le jour de Saturne]. La paix a été rompue entre les frères : un démon sacrilège en tressaillit de joie.
Le cri de guerre retentit, Ici et là le combat terrible commence. Le frère prépare la mort à son frère, l’oncle à son neveu, et le fils à l’égard de son père n’a plus aucune pitié filiale.
Jamais on ne vit carnage plus grand, non, sur aucun champ de bataille. Des chrétiens ont trouvé la mort dans un fleuve de sang. La troupe de génies infernaux est dans l’allégresse et Cerbère ouvre sa triple gueule.
La droite si puissante de Dieu a protégé Lothaire. Pour lui, son bras a été vainqueur ; il a vaillamment combattu. Si tous les autres avaient combattu ainsi, on eût bientôt vu la concorde revenir.
Mais voici ! De même qu’autrefois Judas a livré le Sauveur, ainsi, ô roi, tes propres généraux t’ont livré à l’épée. Sois prudent pour que le loup qui s’avance n’enlève pas l’agneau.
Fontenay, c’est le nom que les paysans donnent à la source et au village qui ont vu le massacre et la ruine, où a coulé le sang des Francs. Les campagnes en ont horreur, les forêts en ont horreur, les marais en ont horreur.
Que jamais la rosée ni la pluie ne rafraichissent la prairie où sont tombés ces braves, si savants dans les combats ! Oh ! qu’on pleure longtemps ceux qui viennent ainsi de mourir !
Je l’ai vu s’accomplir ce grand forfait que je décris dans mon vers, moi Angilbert, je l’ai vu, combattant avec les autres. Seul de beaucoup de guerriers, j’ai survécu aux premières lignes de l’armée.
En détournant la tête, j’ai vu le fond de la vallée et le sommet de la montagne, où le roi courageux, Lothaire, pressait ses ennemis et les forçait à la fuite jusqu’au bord du ruisseau.
Du côté de Charles et aussi du côté de Louis, les campagnes étaient blanches, couvertes de vêtements et de longues lignes mortes, comme elles sont blanches en automne quand les oiseaux s’y reposent.
Mais cette bataille n’est pas digne de louange. Il ne faut pas qu’on la chante en musique. L’Orient et l’Occident, le midi et l’aquilon pleureront ceux qui sont venus là recevoir du hasard le coup de la mort.
Maudit soit ce jour fatal !
Qu’il ne compte plus dans le cercle de l’année !
Qu’il soit rayé de tout souvenir !
Que la clarté du soleil lui manque,
Et qu’il n’ait point d’aurore à son lever !
Ah ! nuit affreuse, nuit amère,
Nuit dure, où demeurent gisants les forts,
Expérimentés aux batailles, que pleurent aujourd’hui
Tant de pères et de mères, tant de frères et de sœurs, tant d’amis ! »
                          Poème d’Angilbert traduit par l’abbé P. Chevallard.
 
Mercure français - Au bureau du Mercure, 1738 (Livre numérique Google)
Suite de l'extrait du Mercure d'Avril p. 710
  «Plusieurs Lieux de même nom ont cru devoir s'attribuer l'honneur d'avoir servi de Champ à la fameuse Bataille de Fontenay de l'année 841, par la raison que ces Lieux sont voisins d'Auxerre. Mais l'Auteur fait voir dans sa Dissertation, que cela ne suffit pas, et que tous les Historiens du temps ayant marqué qu'elle fut donnée dans le Pays Auxerrois, c'est mal à propos qu'on la croiroit donnée dans le Tonnerois, qui y est contigu. C'est par cette même raison, que ceux de Chablis ne sont point recevables en faveur de leur Fontenay ; outre que, comme l'a aussi remarqué M. le Comte de BouIainvilliers, les noms des Lieux voisins de Chablis n’ont qu’une ressemblance fort équivoque, avec ceux qui sont désignés par I’historien Nithar, qui étoit présent à cette Bataille. Enfin des trois ou quatre Fontenay qui sont dans le Diocèse d Auxerre, M. le Beuf se détermine pour celui dont le nom a été altéré en celui de Fontenaille sur Andrie, au Sud-Ouest d'Auxerre, à six ou sept lieues de cette Ville ; et il prouve que le Ruisseau dont ont parlé Nithard et Angelbert, autre Auteur contemporain, duquel il a le premier imprimé la Poësie, est le Ruisseau abondant qui prend sa source à Druye. Dans les additions qu'il raporte de quelques circonstances touchant cette Bataille, il se sert d'un Discours manuscrit d'un Évêque de Mastricht, sur S. Martin, composé sur la fin des Guerres des Normands ; par lequel il prouve que l'on croyoit alors, que les Princes François avoient employé beaucoup de Danois dans leurs Armées à la Bataille de Fontenay ; et c'est ainsi, qu'en passant, M le Beuf nous fait connoître deux Auteurs, qui étoient restés dans l'oubli.»[…]
 
Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 4e année,vol.4 1860. pp. 151-158.    « Adrien de Longpérier continue et  termine, au nom de M. Challe, le Mémoire dont ce dernier est l’auteur et qui est intitulé : De l'emplacement de la bataille de Fontanetum (Fontenoy-en-Puisaie), improprement appelé de Fontenay ou de Fontenailles par la plupart des historiens.
                                                                                     ANALYSE.
La Société des sciences historiqures et naturelles de l'Yonne a inauguré, le 25  juin  1860, grâce au concours de  M.  le baron de Halelt, un monument élevé sur le champ de bataillé où, à pareil jour de l*année 841, combattirent presque  toutes les nations réunies un demi-siècle auparavant sous le sceptre de Charlemagne, et qui s’entr'égorgèrent avec  fureur, obéissant, comme le rapporte le chroniqueur Nithard, aux dissensions violentes de leurs rois, ou, comme le croit  Hincmar, l'archevêque de Reims, cédant aux  passions ambitieuses des grands, qui suscitaient à la fois  les  désordres des princes et les animosités des soldats ; ou bien, enfin, entraînées, comme l'enseigne la critique  moderne, par des haines de races et des instincts de domination d'une  part, d’ indépendance de l'autre.
  Quels qu'aient été les besoins, les  tendances ou les passions de cette lutte mémorable des peuples  — et  fratricide  des chefs,  — on est d'accord pour la considérer comme la date première de la transformation du peuple franc en  nation française. La victoire affranchit en effet la royauté de Charles le Chauve de la domination impériale de Lothaire et commença l'ère nationale de notre pays. De  plus, la perte la plus sensible étant du côté des tribus qui se servaient  encore de la langue germanique, comme le remarque Chateaubriand, les vainqueurs firent graduellement prévaloir la langue  et les mœurs romanes. 
P. 452
Un an après la  bataille, apparaît le premier acte officiel rédigé en cet idiome, le serment de Strasbourg.
  Le monument a été élevé sur le sommet de la colline qui domine, du côté  du midi, le bourg de Fontenoy, au  centre  du champ de bataille que désignent les traditions encore vivantes dans le pays et se perpétuant par les noms des  lieux. C'est bien là que nous portent les textes des historiens, dont on peut suivre le récit avec une rigoureuse  précision sur ce terrain célèbre.
  Or, il est bon de faire remarquer que les savants n'ont pas toujours été d'accord sur l'emplacement de la bataille.  L'abbé Lebeuf, dans un Mémoire publié, en  1758,  sur  ce  sujet, dans son Recueil de divers écrits, a été égaré sur  les points  essentiels de la question. Dom Bouquet, en publiant, quelques années après, dans le 7e vol. des Historiens de  la  Gaule, la  Chronique de  Nithard, renvoyait, dans une note relative à cette bataille, à la dissertation  du docte chanoine d'Auxerre ; c'est ce qui fait que tous les hommes qui ont laissé des travaux de seconde main sur  l'histoire de France, depuis Anquetil jusqu'à Sismondi et Henri Martin, ont  tous suivi la première opinion de Lebeuf,  sans  se douter qu'il avait lui-même modifié cette conjecture et que d'autres savants, en redressant l'erreur de Lebeuf, avaient mieux accordé leurs explications avec les traditions locales et avaient démontré que c'était bien près du bourg  de Fontenoy-en-Puisaie, entre ce bourg et celui de Thury, que s'était donnée la bataille de 841. Cependant,  le docte  président de la Société archéologique du Nivernais, M. Crosnier, publiait, dans le recueil de cette Compagnie, comme  une démonstration jugée et acceptée, la première dissertation de Lebeuf. Enfin, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres a cru devoir faire ses réserves au sujet de l'emplacement de la bataille, dans sa réponse relative aux inscriptions à  graver sur  le monument. La Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne a donc jugé à propos de  justifier par des preuves évidentes le choix qu'elle a fait de cet emplacement, et elle a émis le vœu que le  Mémoire qui les expose fût soumis à ses lumières.
De tous les historiens qui ont parlé de la bataille de Fontanetum, Nithard est celui qui mérite le plus de confiance, parce qu'il fut un des acteurs de ce terrible drame, et qu'étant lui-même du sang de Charlemagne, il était placé assez haut pour bien connaître les  événements.
p. 153   Louis le Débonnaire venait de mourir en 840. De ses quatre fils, trois vivaient pour se partager les États de  Charlemagne : l'empereur Lothaire, en Italie, — Louis, en Germanie, — Charles, en Neustrie et en Aquitaine, de  laquelle se voyait dépossédé Pépin III, fils de Pépin, mort en 838, avant son père. Lothaire ne cacha pas ses  intentions de s'emparer de tout et de le fondre en un seul empire, comme au temps du premier empereur, et il attaqua d'abord Louis, passa le  Rhin « cum infinita  multitudine », dit Nithard, et repoussa Louis jusqu'au fond de la Bavière.  Apprenant que Charles venait au secours de son frère le Germanique, il revint sur ses pas en laissant une partie de ses troupes à Adelbert, comte de Metz, que Louis avait battu dans un retour offensif ; ce qui  lui avait permis d'opérer sa jonction avec Charles à Châlons-sur-Marne. Lothaire, trop faible contre deux, feint de vouloir entrer en négociations et gagne du temps, pour rejoindre le secours que lui  amenait d'Aquitaine Pépin son neveu, et échappe,  à travers la Champagne, à la poursuite de ses frères. Ceux-ci, arrivés à Auxerre aperçoivent l'armée de Lothaire campée sur la rive gauche de l'Yonne, qu'ils franchirent  pour déployer toutes leurs forces de ce même côté de la  rivière, sous les murs de la ville. Lothaire paraît d'abord vouloir entrer en accommodement, mais il décampe à  l'improviste, marche dans la direction d'où doit lui venir le  secours de Pépin, et il vient se placer près du lieu  appelé  Fontanetum. Ses frères le rejoignent, le  dépassent le jour même, « antecesserunt eum », et viennent camper près de Thury,  « Tauriacus vicus. » On reste trois jours en observation. Pépin arrive enfin, et, le lendemain, 25 juin, au petit  jour, Louis et Charles font occuper le sommet de la montagne « verticem montis » par le tiers de leur armée. La  bataille s'engage sur le petit ruisseau des Bourguignons « super rivulum Burgundionum.» Louis et Lothaire combattent avec acharnement au lieu appelé Brittas ; Charles attaque, en un endroit appelé Fagit, une autre partie  de l'armée des méridionaux ; ces deux corps de Lothaire sont défaits, mais un troisième corps de son armée attaque,  à Solemnat, celui du comte Adhelard, qui est forcé de plier, lorsque Nithard, l'historien que  M. Challe résume dans le  présent récit, vient à son secours. Enfin, l'armée du Nord est victorieuse sur toute la ligne.
   Les autres chroniques ajoutent peu de chose au récit de Nithard. Elles s'accordent à indiquer que la bataille a été livrée  à Fontanetum dans le pays Auxerrois « in pago Autissiodorensi. » Ce nom est souvent altéré : Agnellus écrit  Fontaneus, La Chronique de Saint-Arnulphe de Metz et Marianus Scotus donnent Fontaniacum ; la chronique de Duchesne porte Fontanidos campos ; celles de Verdun, de Saint-Bénigne de Dijon, Hincmar de Reims, les Annales  de Saint-Bertin, Fontanidum ; une autre chronique de  Reims, Funtenedum ; une chronique saxonne, Fontanith ; une  chronique de  Saint-Vincent de  Metz, Fonteret, et les Annales de Fulde, Fontinatum villam.
  Un soldat de Lothaire, témoin et acteurde la bataille, fit, sur cet événement, une complainte en latin à son retour en  Aquitaine : Fontaneto est le nom qu'il donne à ce combat. Il parle aussi de la cime élevée qui dominait le camp, de  la  vallée profonde et du petit ruisseau. II ajoute que Lothaire fut trahi par une partie de ses officiers, et l'on sait, d'autre part, par une chronique d'Aquitaine, que Warin, duc de Provence et comte du Toulousain,  tomba sur Lothaire.
  II y avait en présence une immense multitude de soldats « ingens exercitus », « infinita multitudo.» Le carnage fut  considérable : «  ingens  caedes. » Agnellus  de  Ravenne,  écrivain  contemporain,  porte le  nombre  des morts à  40,000 du côté de Lothaire et de Pépin seulement.
  Le nom de Fontanetum seul ne suffit pas pour permettre de déterminer le lieu de la bataille, car on connaît dans les  environs d'Auxerre : Fontenay près  Chablis, Fontenay-sous-Fouronnes, Fontenay près Corval-l’Orgueilleux,  Fontenay-sous-Vézelay, Fontenay près Montbard, Fontaines et deux Fontenailles.
  On comprend tout d'abord, d'après le récit de Nithard, que Lothaire a dû suivre la voie romaine qui d'Auxerre gagnait  la Loire à Mesve (Massava), puisque c'était de cette direction et par cette route que devaient certainement venir les  secours de Pépin. Mais il avait dû se retrancher sur la droite de cette voie, vers les hauteurs de Fontamtum dans le  pagus Autissiodorensis. Ses frères, en le devançant,
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ne devaient avoir d'autre but que de couper ses communications avec la Loire ; aussi occupèrent-ils le bourg de  Thury, à trois lieues de Fontamlum, Pépin vint probablement rejoindre son oncle et passa la Loire à Massava (Mesve) ou à Briodurum (Briare).
  M. Challe montre que ces circonstances  ne  peuvent s'appliquer ni  à Fontenay près Chablis, ni à Fontenay près Corval-l’Orgueilleux, ni à Fontenay-sous-Fouronnes. Après avoir ainsi procédé par élimination, il  aborde l'examen  des opinions de Lebeuf qui a touché cette question dans trois de ses écrits : 1° dans une note de la p. 33 de son Histoire de la prise d'Auxerre par les hugenots, 1723 ; - 2° dans une dissertation spéciale datée de 1738 et renfermée dans son Recueil de divers écrits pour servir à l'éclaircissement de l'Histoire  de  France ; - 3° dans ses Mémoires concernant l'histoire  civile et ecclésiastique d'Auxerre et de son diocèse ,1742.
  Dans le premier de ces écrits, il montre les armées cheminant sur la rive gauche de l'Yonne, d'après Nithard, dans la direction de la Loire, et il établit le camp de Charles et de Louis à Thury.  Mais il s'égare quand il  s'agit de déterminer le  lieu même du combat, et cela tient à ce qu'il ne connaissait alors Nithard que par le texte fort défectueux qu'en  avait publié André Duchesne. Or, dans la narration de la bataille, deux erreurs graves, dit M. Challe, altéraient les noms des lieux les plus importants : Fontanetum y était écrit Fontaneum, et le petit ruisseau, au lieu d'être indiqué  par  les mots rivulus Burgundionum, était remplacé par ceux-ci : Rinda  Burgundionum. Rinda devint  donc,  pour lui,  un bourg, celui de Druyes, ce qui le porte  à supposer que  le texte primitif devait être Druida, et il conclut d'autres  observations également erronées que la bataille s'est livrée entre Druyes, Thury et  Étais ; or on sait que Druyes  figure dans les  anciennes chartes sous les noms de Drogus, Drogia, ce qui ne présente aucun rapport avec  Rinda.
  Mais  Lebeuf fit  vérifier  sur  le  manuscrit  de Nithard  du Vatican les noms qui l'embarrassaient, et l'on trouva Rivolum, au lieu de Rindum. Il n'abandonne  cependant  pas  encore  son système ; il  s'efforce de le  justifier, et,  avisant le  petit  village de Fontenailles, situé dans une gorge étroite entre des collines arides et escarpées, il  y  porte le Fontaneum de Nithard, sans s'apercevoir qu'il serait  impossible d'y
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placer un seul escadron. Des impossibilités  égales se présentent à l'identification du sommet dont  parle Nithard avec  la  montagne aux Alouettes qui est  à plus de  trois  lieues de  Fontenailles.
  Dans son  troisième écrit, Lebeuf abandonne sa première opinion et  s'exprime ainsi : « Lothaire, gagnant du temps pour joindre Pépin, qui était vers les bords de la Loire, s'avança d'un côté où il pouvait facilement se mettre à couvert de l'attaque de ses frères. II vint passer près de Parly, Toucy, Fontaines, Moulins et Fontenoy, tandis que, le même  jour, l'autre armée, l'ayant dépassé, se trouvait près de Thury. Les deux parties étaient disposées dans une campagne propre à donner la bataille. Cependant elles aimèrent mieux choisir un terrain encore plus découvert et  moins avantageux. Pépin arriva d'Aquitaine, ayant passé la Loire à Mesve ou à Pouilly...Louis et Charles  conduisirent leur armée sur le faîte d'une montagne au bas de laquelle était campée celle de Lothaire. Ils y attendirent  l'arrivée des troupes de leur frère et donnèrent dessus, les poursuivant du côté de Druyes. »
  Ainsi Lebeuf, dans ce dernier écrit,  place le campement de Lothaire à Fontenoy et celui de ses frères à Thury.  Fontanetum est bien Fontenoy, comme Olmetum est Ormoy ; Paredum, Paroy ; Carmedum, Charmois. (Objection de  M. Natalis de Wailly. — Α.). Mais quand  le  chanoine  d'Auxerre, après cettedonnée exacte, nous montre Lothaire  repoussé dans la direction de Druyes, il est tout à fait inintelligible, puisque Druyes est au sud-est de Thury, qui était occupé, dans son dernier système, par l'armée de Charles et de Louis. Dom Bouquet ayant publié, en 1749, l'ensemble des textes, Lebeuf paraît s'être complètement amendé. Il écrit, en 1757, dans le Journal de Verdun, ces  propres  mots : « Quoique la France ait remporté en ces derniers temps une très-insigne victoire  dans un village  du  même nom de FONTENOY, proche la ville de Tournay, il est aujourd'hui constant que la première bataille de ce nom, où  le roi Charles le Chauve resta victorieux, ne sera jamais mise en oubli. » 
                                                               A.    Objection  de  M.  Natalis  de  Wailly.
L'auteur du Mémoire semble croire que Fontanetum est la version originale de Nithard. Or, le manuscrit du Vatican porte bien Fontaneum et non  Fontanetum.
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Mais ces modifications importantes de l'opinion première de Lebeuf sont peu connues, parce que les recueils qui les  renferment n'ont pas la notoriété du grand recueil de dom Bouquet, qui renvoie à l'écrit erroné et désavoué de 1738.
  Cependant l'ingénieur-géographe Pasumot a composé, depuis longues années déjà, une dissertation qui rectifie les  erreurs premières de Lebeuf et qui fut publiée après la mort de l'auteur, en 1810, dans les Annales des voyages  de Malte-Brun. Il prouve que Fontanetum (Fontenay) était, dès le Ve siècle, un domaine rural laissé par saint  Germain à  l'abbaye de Saint-Marien, et où fut élevé le monasterium  Fontanetense. Le même géographe constate de plus que le hameau de Solmé est le Solemnat de Nithard, et que le nom de Brittas se retrouve encore dans celui du bois des  Briottes. Fagit seul a donc perdu son nom, sans doute quand ont disparu les hêtres qui le lui avaient donné. Quant au  petit ruisseau des Bourguignons, il coule encore au fond du vallon qui va en pente depuis Sementron et Coulon, et  s'ouvre largement du côté de Fontenoy. Enfin, une partie de la vallée, qui a été autrefois un étang, s'appelle l'Étang de  la guerre ; une autre, la  Fosse des gens d'armes ; une autre encore, le Champ du malheur.
  Le même sujet a été encore repris et approfondi par M. Paultre Desormes, ancien officier supérieur d'artillerie, dans une Notice historique et géographique sur la bataille de Fontenoy, éditée à Auxerre en 1848. Il démontre que c'est à Fontenoy que fut livrée la bataille, mais que c'est à Fontaines, village situé au sommet des collines qui s'étagent  derrière le bourg de Fontenoy, que devait être le campement de Lothaire. Or, Fontenoy et Fontaines formeraient les deux Points extrêmes du seul et même campement d'une armée aussi considérable que celle de Lothaire « infinita  multitudo.» II y a d'ailleurs des chroniques qui semblent désigner plutôt Fontaines que Fontenoy par les analogies  de la désinence latine. Et les premières chroniques en français disent tantôt l'une tantôt l'autre.
  Le camp de Lothaire était donc sur les coteaux de Fontenoy et Fontaines ; celui de Charles et Louis, à Thury ; le point central la bataille a dû être nécessairement le coteau de  Solmé et le bois des  Briottes.
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  En 1852, M. le docteur Duché a entrepris des fouilles dans cette partie, et y a trouvé des fondations de murs, des débris de tuiles, des poteries, des chapiteaux, des morceaux d'ustensiles, des monnaies antiques, preuves  multipliées de l'existence d'une ville qui a dû périr dans quelque grande catastrophe, traces irrécusables d'un vaste  incendie. Quatre-vingt-une pièces romaines y ont été trouvées. Le docteur Duché en conclut que cette ville, qui pouvait  avoir  été  détruite longtemps avant la bataille, avait encore un nom en 844, et que ce nom est probablement celui d'une des localités mentionnées par Nithard, Brittas ou Fagit.
  Pour ce dernier nom, peut-être n'est-il pas impossible de l'identifier avec le hameau des Foucards, à 1,000 mètres  à  l'ouest  de Fontenoy.  On sait que foucard est l'ancien mot français qui désignait un hêtre ; les habitants du Puisaie n'appellent pas autrement aujourd'hui le hêtre (fagus).
  Le nom de Ruisseau des Bourguignons vient sans doute de ce que Auxerre et son diocèse faisant partie du royaume de Bourgogne, Fontaines était sur le diocèse de Sens et Fontenoy sur celui d'Auxerre, en sorte que le ruisseau formait la frontière de la Bourgogne de ce côté.
  Enfin, pour compléter cet imposant ensemble de preuves, M. Paultre Desormes a trouvé des ossements d'hommes,  de chevaux, des débris d'armures ; on a constaté que des tombes de pierre étaient fort nombreuses dans tous les  environs. Le Dr Duché a confirmé ces assertions en 1852. Il ne se passe guère d'année qu'on ne fasse quelque  découverte de  ce genre.
C'est donc à Fontenoy-en-Puisaie, au sud-ouest d'Auxerre, au sud-est de Fontaines, au nord de Thury, sur  la  rive  gauche, à une certaine distance, de l'Yonne, à l'ouest de la route romaine de Mesve-sur-Loire à Auxerre,  enfin  au  nord-est  de  Saint-Sauveur, qu'a été  livrée, en  841, la  grande bataille dans laquelle l’empereur Lothaire fut défait  par ses frères Charles et Louis.
M. le SECRETAIRE PERPETUEL fait  hommage, au nom de  M. Th.Henri Martin, doyen de la Faculté des  lettres de Rennes et correspondant de l'institut, d'un opuscule intitulé : Opinion de Manéthon sur la durée totale de ...»

Le véritable emplacement de la bataille de Fontanetum. Annuaire historique de Fontenoy. Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne [document .pdf]

 La bataille de Fontenoy. Thury-en-Forterre
  « Charles le Chauve a établi son camp à Thury, sur la colline du Roichat, lors de la bataille de Fontenoy.
  Au soir de la bataille on compta des milliers de morts. Cent mille, selon les contemporains qui ont, il est vrai, très exagérément grossi leur nombre. Mais l'émotion que suscita cette bataille et les traces qu'elle laissa longtemps dans les mémoires en un temps où l'on était pourtant habitué à côtoyer la mort violente, disent assez qu'elle fut sans doute une des plus sanglantes du Moyen-Age, alors que les armées qui s'affrontaient alors dépassaient rarement quelques centaines d'hommes et que les morts se comptaient à peine par dizaines. « Et tant y en eut d'occis de chaque côté que mémoire ne recorde mie qu’il y eut oncques en France si grande occasion de chrétiens. »
  Des sarcophages, mais aussi des squelettes de combattants hâtivement enterrés sans cercueil, ont été souvent mis à jour en différents lieux de la bataille. De nombreux toponymes, à Thury et aux alentours, évoquent encore cette journée : la Fosse aux prêtres, la Fosse aux gens d'armes, Fougilet, déformation apparue au XIIe siècle de Fosse Gilet, la vigne des cercueils, à Sougères, la vallée de la fuite, la vallée de la défaite, les Cris, la queue Louis, le Roichat - pour le Roi Charles -, etc. etc.»

Compléments à consulter sur le site :
DOCUMENTS.Histoire.Jaulnes_1.le site de Jaulnes
DOCUMENTS.Histoire.Jaulnes_2.la bataille des.fossés
DOCUMENTS.Histoire.Jaulnes_3.la noblesse utérine
DOCUMENTS.Histoire.Jaulnes_5.la seigneurie de Villeceaux
DOCUMENTS.Histoire.Jaulnes_6.Le.chateau.de.Villeceaux.illustrations
DOCUMENTS.Les 24 communes du Canton de Bray.sur.Seine : Jaulnes

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